Dépression et ménopause : ce que révèle l’étude ALIMENTAL sur l’impact de l’alimentation
- Sophie Carrera
- 16 juin
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 sept.

La cinquantaine est une période de profonds changements pour les femmes, vous commencer à le comprendre si vous lisez ce blog ou si vous êtes abonnée à mon Instagram.
Sur le plan hormonal, la ménopause s’accompagne souvent de symptômes physiques (bouffées de chaleur, prise de poids) mais aussi psychologiques.
De nombreuses femmes rapportent des sautes d’humeur, de l’anxiété voire des épisodes dépressifs durant cette transition. En effet, le risque de souffrir de troubles de l’humeur augmente significativement à l’approche de la ménopause jusqu’à trois fois plus qu’avant la ménopause selon certaines études .
La bonne nouvelle, c’est que nos habitudes alimentaires pourraient constituer un levier d’action pour mieux vivre cette période.
C’est ce que suggèrent les résultats de l’étude internationale ALIMENTAL, qui établit des liens clairs entre alimentation et santé mentale, avec des effets particulièrement marqués chez les femmes de la tranche 45-60 ans et plus.
L’étude ALIMENTAL en bref : alimentation & santé mentale
L’étude ALIMENTAL (pour ALIMentation et MENtAL) est une vaste enquête internationale menée par des chercheurs français (Pr Guillaume Fond, Marseille, et collègues) entre 2021 et 2023 .
Plus de 15 000 adultes issus de 40 pays y ont participé, répondant à des questionnaires sur leurs habitudes alimentaires et leur humeur dépressive. C’est à ce jour l’une des plus grandes études sur le lien entre régime alimentaire et dépression .
Voici quelques chiffres-clés qui en ressortent.
Près d’1 adulte sur 3 présentait des symptômes dépressifs (32 % des participants), c'est un chiffre qui illustre l’ampleur des troubles de l’humeur dans la population.
Les aliments ultra-transformés (malbouffe riche en sucres, sel, gras ajoutés, additifs…) sont associés à un risque accru de dépression, particulièrement chez les femmes plus âgées : +41 % de risque chez les femmes de 55 ans et plus qui en consomment beaucoup .
À titre de comparaison, ce sur-risque n’est que de +21 % chez les jeunes adultes (18-34 ans) , et il devient non significatif chez les hommes au-delà de 35 ans .
À l’inverse, suivre un régime alimentaire sain de type méditerranéen (riche en fruits, légumes verts, huile d’olive, céréales complètes, thé…) est associé à environ 20 % de risque en moins de dépression chez les femmes adultes .
Cet effet protecteur de l’alimentation équilibrée est net chez les femmes de 18 à 54 ans (soit avant et pendant la ménopause), alors qu’aucun bénéfice similaire n’a été observé chez les hommes du même âge .
Certains produits en particulier, comme les boissons sucrées ou les plats préparés (en conserve/surgelés), ont des liens négatifs avec la santé mentale uniquement chez les femmes (aucune association défavorable n’a été relevée chez les hommes) .
En somme, l’étude met en évidence un effet inédit « sexe & âge » dans le lien alimentation-humeur : les femmes, spécialement en milieu de vie et au-delà, semblent beaucoup plus sensibles aux effets de l’alimentation sur leur santé mentale .
Cela signifie qu’à apport égal, une mauvaise alimentation pénalise davantage l’humeur des femmes (surtout après 45-50 ans) que celle des hommes, alors qu’une alimentation saine profite surtout aux femmes. Comme le résume le Dr Guillaume Fond, investigateur principal : « Nos résultats montrent que la malbouffe n’affecte pas tout le monde de la même façon ; cibler les jeunes et les femmes avec des interventions nutritionnelles pourrait prévenir des milliers de cas de dépression. »
Aliments ultra-transformés : un risque accru de dépression chez les quinquas

Un plat de frites, exemple d’aliment ultra-transformé. La consommation élevée de ce type d’aliments “plaisir” industriels est associée à une hausse du risque de dépression, surtout chez les femmes d’âge mûr, selon l’étude ALIMENTAL.
Les aliments ultra-transformés qui comprennent par exemple les fast-foods, snacks salés, biscuits et gâteaux industriels, charcuteries industrielles, sodas et autres produits à longue liste d’ingrédients sont pointés du doigt pour leurs effets néfastes sur la santé physique (obésité, diabète, hypertension…).
L’étude ALIMENTAL apporte une preuve supplémentaire qu’ils nuisent aussi à la santé mentale. Chez les femmes de 45-60 ans et plus, une consommation élevée de ces produits est clairement associée à plus de symptômes dépressifs.
Pourquoi les femmes, et en particulier à l’approche de la ménopause, sont-elles si vulnérables à la junk food du point de vue moral ?
Les scientifiques avancent plusieurs hypothèses. D’abord, les femmes ont un profil hormonal et métabolique différent de celui des hommes, ce qui pourrait les rendre plus sensibles aux effets délétères d’une mauvaise alimentation sur le cerveau . Autour de la ménopause, la chute des œstrogènes pourrait notamment entraîner une augmentation de l’inflammation et du stress oxydatif dans l’organisme, des mécanismes que vient exacerber une alimentation trop riche en sucres et en gras saturés. Par ailleurs, les aliments ultra-transformés perturbent la flore intestinale : ils appauvrissent le microbiote et favorisent les « mauvaises » bactéries. Or, on sait que l’axe intestin-cerveau joue un rôle dans la régulation de l’humeur. Des recherches suggèrent que des différences de microbiote intestinal entre les femmes et les hommes pourraient contribuer à des niveaux distincts de vulnérabilité face à la dépression liée à l’alimentation . En d’autres termes, la malbouffe pourrait « miner le moral » des femmes via le microbiote plus fortement que chez les hommes.
Il est également possible que les habitudes de consommation diffèrent selon le sexe et l’âge : on observe que les plus jeunes générations consomment plus d’ultra-transformés que leurs aînées, et que les hommes et les femmes ne grignotent pas les mêmes types de produits .
Dans l’étude ALIMENTAL, l’association entre malbouffe et dépression est restée significative chez toutes les tranches d’âge féminines, y compris les seniors, alors qu’elle disparaît chez les hommes après 35 ans . Cela souligne un phénomène propre aux femmes. Quel que soit le mécanisme exact qu'ils soit hormonal, métabolique, intestinal ou comportemental, le message est clair : à l’approche de la cinquantaine, réduire sa consommation d’aliments ultra-transformés est un enjeu majeur pour préserver son équilibre émotionnel.
Une alimentation saine pour garder le moral : la protection du régime méditerranéen

Si la « malbouffe » fait grimper le risque de dépression, la bonne nouvelle de l’étude ALIMENTAL, c’est qu’à l’inverse une alimentation saine semble agir comme un facteur protecteur pour l’humeur des femmes.
Les participantes qui adhèrent à un régime de style méditerranéen – riche en fruits, légumes (surtout à feuilles vertes), huile d’olive, céréales complètes, légumineuses, thé, etc. présentent environ 20 % de moins de risque d’être dépressives (ce chiffre allant jusqu’à -24 % dans certains sous-groupes) .
Notons que cet effet bénéfique de l’alimentation équilibrée a été observé principalement chez les femmes jusqu’à la cinquantaine (18-54 ans dans l’étude) .
Après 55 ans, la relation n’était plus statistiquement significative, possiblement faute d’effectifs suffisants dans l’échantillon pour cette tranche d’âge .
Néanmoins, il n’y a aucune raison de penser qu’une bonne alimentation cesse d’être utile une fois la ménopause installée.
D’une part, une diète de qualité continue de profiter à la santé physique (os, cœur, poids…), ce qui influence indirectement le bien-être mental.
D’autre part, il est possible que les femmes post-ménopausées dépressives de l’étude aient déjà modifié leur régime dans l’espoir d’aller mieux, brouillant ainsi les cartes (biais d’indication) . Quoi qu’il en soit, les résultats d’ALIMENTAL concordent avec un ensemble d’études plus vaste suggérant qu’un régime méditerranéen peut contribuer à stabiliser l’humeur. Par exemple, une revue de littérature a récemment conclu que la diète méditerranéenne pourrait réduire les risques de dépression et d’anxiété chez divers groupes de population .
À l’inverse, consommer beaucoup de sucre (boissons sucrées…) a été maintes fois associé à un risque accru de troubles dépressifs . Ainsi, opter pour une alimentation riche en nutriments et pauvre en produits transformés apporte un confort mental sur le long terme.
Vers une “psycho-nutrition” à la ménopause : quelles implications ?
Ces découvertes ont des implications concrètes pour améliorer la prévention et la prise en charge des troubles de l’humeur chez les femmes autour de la ménopause. D’abord, elles renforcent l’idée que la ménopause est une période-clé où intervenir sur le mode de vie peut avoir un impact notable sur la qualité de vie. La nutrition, tout comme l’activité physique, le sommeil ou la gestion du stress, fait partie intégrante de l’équilibre hormonal et émotionnel. Intégrer une approche nutritionnelle pourrait ainsi devenir un complément précieux aux stratégies plus classiques (thérapies, soutien psychologique, éventuels traitements hormonaux).
Concrètement, pour les professionnels de santé, cela signifie qu’il faut sensibiliser les patientes matures à l’importance de l’assiette pour leur santé mentale.
D’autant que l’étude ALIMENTAL suggère qu’une meilleure éducation nutritionnelle est associée à moins de risque de dépression chez les femmes d’âge moyen . Encourager les femmes à se former un minimum en nutrition (ateliers, brochures, consultations diététique) pourrait donc faire partie intégrante des programmes de prévention en santé mentale féminine.
Enfin, ces résultats ouvrent la voie à une nouvelle approche appelée parfois psychonutrition ou psychiatrie nutritionnelle, qui vise à utiliser l’alimentation comme levier thérapeutique en psychiatrie. Bien qu’encore émergente, cette discipline prend de l’ampleur. On reconnaît désormais que l’alimentation influence le cerveau et le moral tout autant que le cœur ou le foie . Pour les femmes en entre la périménopause et la ménopause, cela signifie qu’il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de l’assiette pour traverser plus sereinement cette « fenêtre de vulnérabilité » hormonale .
Conseils pratiques : l’alimentation « anti-déprime » à la ménopause

Pour résumer, quelle alimentation adopter afin d’aider à prévenir ou atténuer les troubles de l’humeur en péri- et post-ménopause ?
Voici quelques recommandations pratiques tirées des conclusions d’ALIMENTAL et des connaissances actuelles :
Limitez les aliments ultra-transformés : réduisez la malbouffe (plats industriels prêts à consommer, fast-food, chips, biscuits industriels, charcuteries riches en additifs, sodas…). Ces produits, pauvres en nutriments et riches en sucres/gras ajoutés, sont liés à une aggravation du risque de dépression chez les femmes .
Remplacez-les autant que possible par des préparations maison ou des options plus simples (par ex. du poulet grillé et des légumes vapeur plutôt qu’un plat cuisiné en barquette).
Adoptez une base méditerranéenne dans vos repas : visez une assiette riche en légumes variés (au moins la moitié du plat), en fruits, en céréales complètes (pain complet, quinoa, riz brun…), en légumineuses (lentilles, pois chiches…), avec des bonnes graisses (huile d’olive, avocat, oléagineux) et des protéines maigres (poisson, volaille, œufs). Ce type de régime apporte des nutriments essentiels (fibres, vitamines B, magnésium, oméga-3…) qui soutiennent le cerveau et ont été associés à une meilleure santé mentale .
Par exemple, les oméga-3 contenus dans les poissons gras contribuent au bon fonctionnement du cerveau et pourraient atténuer les symptômes dépressifs.
Chouchoutez votre microbiote : un intestin en bonne santé aide à réguler l’humeur. Pour cela, misez sur des aliments fermentés (yaourt, kéfir, choucroute, kimchi, etc.) et riches en fibres prébiotiques (fruits, légumes, céréales complètes, légumineuses). Les bonnes bactéries issues de la fermentation (probiotiques) contribuent à un microbiote diversifié, lequel communique avec notre système nerveux. Par exemple, consommer régulièrement des légumes fermentés comme le kimchi apporte des bactéries bénéfiques qui pourraient améliorer l’humeur en agissant sur l’axe intestin-cerveau .
Évitez les sucres rapides et l’excès d’alcool : ils provoquent des fluctuations brutales de la glycémie et peuvent amplifier l’anxiété ou la fatigue morale après coup. Préférez l’eau, les tisanes ou le thé vert aux sodas et boissons sucrées, car ces dernières ont montré une association avec plus de dépression chez les femmes .
Si vous consommez de l’alcool, faites-le avec modération, car à la ménopause son effet s’accentue et il peut perturber le sommeil et l’humeur.
Apprenez et faites-vous accompagner : s’intéresser à la nutrition est un investissement pour votre santé mentale. L’étude ALIMENTAL a constaté qu’une meilleure connaissance nutritionnelle allait de pair avec moins de risque dépressif chez les femmes d’âge moyen .
N’hésitez pas à consulter un diététicien ou nutritionniste, ou à chercher des ressources fiables, pour vous aider à adapter votre alimentation à vos besoins (poids, éventuelles carences en fer ou en vitamine D fréquentes à cet âge, etc.).
Parlez-en également à votre médecin : de plus en plus de professionnels intègrent des conseils diététiques dans la prise en charge globale de la ménopause.
En conclusion, à défaut de pouvoir agir sur le facteur hormonal du syndrome ménopausique, chaque femme peut agir sur son contenu d’assiette. Réduire la consommation d’aliments ultra-transformés et privilégier une alimentation équilibrée, variée et riche en nutriments sont des gestes concrets pour mieux vivre la ménopause tant sur le plan physique que mental.
Sans promettre de miracles immédiats, ces changements alimentaires créent un terrain plus favorable pour un moral stable et un mieux-être général et ce sont autant d’armes de plus pour traverser sereinement cette étape de vie. Les résultats de l’étude ALIMENTAL viennent ainsi rappeler que bien manger, c’est aussi prendre soin de sa santé mentale, en particulier pour les femmes de 45 ans et plus en quête d’un nouvel équilibre.
Merci d'avoir pris connaissance de cette étude, pour retrouver les informations de l'étude ALIMENTAL, vous pouvez vous rendre sur la page du conseil départemental des Bouches du Rhône de l'ordre des médecins : https://conseil13.ordre.medecin.fr/content/etude-alimental-g-fond
ou encore sur l'instagram du docteur Guillaume Fond @dr_guillaume_fond
ou encore sur la vidéo de présentation de l'étude : https://www.youtube.com/watch?v=50-Gmu3reDE
D'ailleurs la phase 2 de l'étude est ouverte, retrouvez toutes les informations sur le lien donné sur la page du conseil départemental des Bouches du Rhône de l'ordre des médecins dont le lien court est le suivant https://bit.ly/alimentalAPHM



Commentaires